Plan d’action 2024-2027

Réappropriation(s) individuelles et collectives dans la production du domicile

Proposition de collaboration entre la FédAc et la Fondation du domicile – Juillet 2024

Auto-construire, auto-rénover, auto-réhabiliter, autant de pratiques par lesquelles les maîtres d’ouvrage s’approprient, prennent en charge, conçoivent et réalisent, sans à priori de considération mercantile, tout ou partie de la création ou de l’aménagement de leurs lieux de vie : un logement, un atelier, un jardin, une école ou une salle des fêtes, une ruelle, une place publique…

Nos aïeux, sous l’autorité ou non de maîtres bâtisseurs, ont ainsi érigé nos paysages bâtis, ruraux comme urbains. C’est également ainsi que se loge aujourd’hui une grande partie de la population mondiale, en particulier dans les bidonvilles asiatiques et sud-américains ou dans les zones reculées.

Depuis le début du XXème siècle, la complexification des constructions, le développement de l’industrie et de l’économie de marché mirent peu à peu fin en occident à cette architecture vernaculaire pour laisser place à des modes de construction standardisés, hautement spécialisés et professionnalisés donnant au bâti une valeur marchande.

La pratique de l’auto-production s’est néanmoins toujours maintenue à la marge, se transformant peu à peu en parallèle des évolutions sociétales, accompagnée par des associations militantes (Les Castors, les Compagnons Bâtisseurs…) et l’émergence des grandes enseignes de bricolage. C’est de cette marge que renaît aujourd’hui l’engouement pour une reprise en main de l’acte de bâtir par les usagers. Il touche un public large et varié, intéressé soit par l’amélioration de l’existant, soit par la conception et la construction d’habitats plus en adéquation avec les valeurs émergentes : L’écologie, l’attrait du collectif, les nouvelles places données à l’intime, au travail et au « public » dans le refuge familial, le plaisir de faire et de comprendre, et toutes les nouvelles formes de solidarité et d’entraide. L’intérêt renaît pour les matériaux et savoir-faire locaux et parfois ancestraux. Le rapport de l’homme à son environnement, à son appropriation du lieu, redevient le point de départ du projet architectural.

Loin de déprofessionnaliser l’acte de bâtir, soutenir l’auto-production amène à le repenser et à imaginer un nouvel écosystème de la construction. Depuis une grosse dizaine d’années, artisans, maîtres d’œuvre, architectes, associations et auto entrepreneurs s’investissent, en pionnier, avec les risques que cela suppose, pour penser et expérimenter une large panoplie d’initiatives.

Face à l‘urgence de la rénovation énergétique des bâtiments et faisant le constat de l’impossibilité des filières professionnelles classiques à répondre aux besoins (rapport Berrier, 2014), les institutions gouvernementales commencent à s‘interroger sur l’aide qu’elles pourraient apporter pour dynamiser et massifier l’accompagnement professionnel à l’auto rénovation énergétique. Ceci pour avoir d’une part un réel impact sur le climat (contrôle de la qualité des travaux) et d’autre part pour faire monter en capacité les opérateurs locaux et sécuriser l’ensemble de l’écosystème, maîtres d’ouvrage compris. Elles sont aujourd’hui encore hésitantes et appellent les acteurs et les actrices de l’accompagnement à proposer des pistes de réflexion pour lever les nombreux freins et contraintes identifiés (ADEME, 2024).

Pour ne citer que quelques chiffres (les données actualisées sont quasi inexistantes et relèvent plus d’évaluation approximative que d’un vrai travail d’enquête), sur les 427 000 entreprises dont l’activité principale est liée au bâtiment (FFB, 2021) 125 000 seraient impliquées dans la rénovation énergétique, et un peu moins de 600 opérateurs (moins de 100 entreprises) s’impliqueraient réellement dans l’accompagnement… en 2017 (RePAAR). Ce chiffre, certainement sous-évalué, a considérablement évolué depuis. Plus de 37 % des chantiers de rénovation seraient menés en auto-rénovation, dont seuls 2 % avec un accompagnement professionnel (ADEME, 2023).

L’association est créée en 2015 à l’initiative de professionnels impliqués de près (artisans, architecte, associations) ou de loin (chercheur, bureau d’étude, institution publique) dans la promotion de l’auto-production. Les missions alors définies se donnent pour objectifs de fédérer les professionnels, de faire reconnaître l’activité d’accompagnement à l’auto-production et à l’entraide dans le logement et les espaces publics, d’influencer les pouvoirs publics et d’améliorer les pratiques liées.

Aujourd’hui, malgré le renouvellement d’une bonne part de l’équipe qui pilote l’association, le conseil collégial, l’ambition de la FédAc est intacte: regrouper, faire connaître, mutualiser, informer, influencer: apporter sa pierre à l’édifice en tant qu’association regroupant des praticiens de terrain (« les mains dans le cambouis », au contact direct avec les auto-producteurs) et des chercheurs questionnant l’auto-production de façon plus conceptuelle.

La FédAc se positionne résolument en seconde ligne Elle est un support, une interface avec les instances politiques et institutionnelles, et facilite la mise en relation de tous ces acteurs, actrices et intervenants. La FédAc est foncièrement un lieu de rencontre, d’échange et de mutualisation.

La première journée nationale qui s’est tenue à Paris en mars 2024 a permis de démontrer sa capacité, en association avec Topophile, à mobiliser un large public, à asseoir autour de la table les acteurs historiques comme les nouveaux venus, et de s’y positionner en tant que modératrice. Des groupes de travail sont à l’œuvre sur certaines pratiques de l’auto-production, autour d’acteurs et d’actrices spécifiques (architecte et maître d’œuvre). Le nouveau site internet propose de compiler et de mettre à disposition la littérature existante. Quelques documents de référence, opérationnels (Kit FédAc pour l’assurance des artisans accompagnateurs) comme stratégiques (en collaboration avec le PADES, Archipossible…), ont été produits. Cette documentation contribue et enrichit déjà quelques parcours de formations professionnelles dédié à l’accompagnement. La FédAc a été impliquée dans les concertations menées par l’ADEME.

« Les nouveaux usages du domicile (le travail, la santé, la construction identitaire…) amènent à réfléchir à comment valoriser ce renouvellement des géographies sociales pour conforter (restaurer ?) le pouvoir d’agir des citoyens ?

L’éthique de l’accompagnement au domicile repose sur deux principes:  le domicile est notre refuge, un lieu privé, intime, de sécurité, et le domicile est le sanctuaire de notre autonomie décisionnelle, le lieu où on est libre et légitime à décider pour nous-mêmes. Le lieu du pouvoir d’agir par excellence.

Dans le domaine de la santé, du grand âge ou du handicap, prendre soin d’une personne ne doit pas nous conduire à transformer cette personne en objet de soin, la personne reste un adulte, un citoyen. De même dans l’auto-production de son habitat, il faut mettre l’accompagnement au service de l’autonomie décisionnelle. Comment accompagner un porteur de projet sans le transformer en consommateur ou en simple exécutant ? Nous devons agir en prenant soin, même s’il est non-sachant ou pas entièrement sachant, de son statut d’acteur, de décideur, de porteur de projet. » Sophie Bressé, fondation du domicile, 15 mars 2024

Sophie Bressé, fondation du domicile, 15 mars 2024

La collaboration entre la Fondation du domicile et la FédAc renforce le cap politique : l’autonomie. C’est à dire la faculté d’agir librement et de façon responsable que ce soit dans l’usage de nos lieux de vie, comme dans notre soucis de les créer ou de les améliorer. Cette autonomie forge la résilience de nos communautés, de nos familles, face aux ruptures écologiques en cours et à leurs déflagrations sociales et politiques.

La FédAc regroupe des profils variés, des passionné·es et militant·es, bénévoles, habité·es de cette valeur commune : favoriser l’autonomie des ménages dans leur maîtrise d’usage. Leur redonner capacité à faire, à entretenir et utiliser leur logement, pour permettre l’entretien et la conservation du patrimoine bâti, donner accès à tous à des logements sains, sobres, à des communs réconfortants, réduire la facture énergétique de la construction neuve, réhabiliter les passoires thermiques, personnaliser leur domicile pour y être « chez soi ».

Qu’on soit professionnel·le de l’accompagnement ou accompagné·e l’autonomie implique notre interdépendance les un·es vis à vis des autres et se nourrit des logiques de partage, d’entraide, de mutualisation,  à rebours des logiques de repli, privatisation, prédation, réification…  

Notre champ d’action se limite à celui du bâti et des espaces publics, un cadre concret qui ancre ces fondamentaux dans une réalité qui tôt ou tard se compte en kg ou en €. Il faut que ça tienne, que ça dure, qu’il fasse bon vivre dans ce que l’on bâtit, sans devoir pour autant s’endetter pour deux générations. L’enjeu politique est enchâssé, contenu dans un ensemble d’enjeux pragmatiques.

Pour définir son cadre d’action sur les 3 années à venir en coopération avec l’ensemble des acteurs et actrices de l’accompagnement, la première édition des journées nationales de l’accompagnement qui s’est tenue le 15 mars dernier se concevait comme une entrée en matière, une tentative pour initier une démarche collective qui défendra et crédibilisera l’accompagnement. Dix ateliers prospectifs regroupant près de 150 participant·es ont permis de mettre sur la table les savoir faire, les outils, les succès comme les échecs, les litiges, les cas d’école et les embryons de jurisprudence. Souligner les écueils et dresser des perspectives pour faire évoluer les cadres. Les maîtres mots : échanger, mutualiser.

La synthèse de cette journée (Billom, 4 et 5 mai 2024) permit de dégager 4 grands pôles de réflexion et les différents liens qui les sous-tendent.

Les accompagné·es, particuliers comme collectivités, représentent l’enjeu ultime de la FédAc, mais notre champ d’action est orienté vers celles et ceux qui accompagnent. A terme, la FédAc devra permettre d’expliquer, de sensibiliser, d’informer celles et ceux qui souhaitent bénéficier d’un accompagnement : ou, quand, et comment le trouver et le mobiliser.

La communauté des acteurs et actrices de laccompagnement s’étoffe rapidement et couvre petit à petit l’ensemble du territoire avec une structuration embryonnaire autour d’associations régionales, voire plus locales. Des réseaux émergent à l’échelon national remplaçant parfois les associations historiques dans leur rôle fédérateur. Aujourd’hui, cela fut clairement confirmé lors de la première journée nationale, le soucis est de mutualiser, d’échanger, coopérer et de « jouer groupé » pour défendre ces nouvelles pratiques dans le monde du bâtiment, auprès des collectivités et du pouvoir public.

La diversité des pratiques daccompagnement représente une source considérable de références. C’est une richesse à préserver et à « exploiter » pour fournir une ressource commune de bonnes pratiques adaptables selon les territoires, les publics, et les objets.

La sécurisation des pratiques, des acteurs/actrices, et des accompagnées sera, in fine, la clef de voute permettant l’acceptation et la « massification » de ces pratiques pour atteindre à la fois les objectifs de décarbonation du secteur et de revitalisation, réappropriation  de l’habitat, en faire un lieu de vie, plus qu’un logement.

La FédAc se positionne sur l’animation des ces quatre pôles de réflexion, non en donneuse d’ordre, mais en « soucieuse ». Le rôle que nous nous donnons est de faire en sorte que ces réflexions puissent se faire, et se faire de façon coopérative, mutualisée, à l’écoute et en impliquant tous ceux qui souhaiterons y prendre part. Cela va nécessiter la création et l’expérimentation de méthodes de réflexion et de recherche collaborative. La FédAc étant en seconde ligne, la réflexion concernant les besoins et les contraintes des accompagnées sera menée, non directement avec eux, mais par l’intermédiaire de ces membres, tous impliqué·es directement auprès des auto-producteurs et productrices. La Fédac sera aussi soucieuse de l‘implication et de la contribution des agences locales et nationales relevant directement des pouvoirs publics.

Un tel positionnement implique de facto une ouverture sans réserve de la FédAc à tous les acteurs et actrices de l’accompagnement, et une publication gracieuse et désintéressée de l’ensemble de sa production. La FédAc est alors vouée à fonctionner sur les dons volontaires et les subventions et doit faire preuve de son utilité.

L’association ne regroupe aujourd’hui que des membres actifs bénévoles, impliqué·es par ailleurs dans une activité liée, plus ou moins proche du terrain, et elle a pour principe de le rester. Afin de valoriser au mieux le temps consacré aux missions de la FédAc, la gestion administrative de l’association sera sous-traitée à un ou une professionnel·le extérieur·e.

Placer l’autonomie des ménages au cœur de nos préoccupations permet de structurer l’ensemble de nos objectifs opérationnels.

Coopérer : créer les méthodes et les outils permettant de construire ensemble l’avenir de l’accompagnement

  1. Formation à la coopération dans l’animation et la recherche : la FédAc offre cette formation à celles et ceux qui envisagent de s’impliquer par la suite sur l’une des action pendant les trois années à venir. Une façon de faire qui devient le credo de la FédAc : donner d’abord, recevoir, puis remettre en partage ensuite, à l’instar de l’Atelier Paysan.
  2. Création et production d’outils d’accueil pour les nouveaux membres actifs – Le  site internet a déjà été revu mais nécessite un enrichissement permanent, la newsletter reprend son cycle semestriel et se professionnalise, un manifeste sur l’auto-production accompagnée sur le modèle de celui de la Frugalité Heureuse et Créative (https://frugalite.org/) devrait être publié à la sortie de l’été, un livret d’accueil pour les nouveaux membres étoffera ce corpus.

Etudier / constater / récolter du contenu :  aller chercher partout où elles se trouvent les références, les ressources, les initiatives et créer un contenu représentatif de la grande diversité des expériences passées ou en cours.

  1. Collecte de contenu pour annuaire et cartographie des ressources et professionnel·le (qui, quoi, où ?)
  2. Collecte de contenu des pratiques : formations existantes, procédures administratives et juridiques, assurance. Qu’existe-t-il déjà  comme outils de soutient aux accompagnant·es ?
  3. Collecte de contenu sur les données de financements : comment rendre le projet d’auto-production économiquement possible ?
  4. Retour d’expérience pratique : Mettre en récit les parcours d’accompagnement (conception – réalisation – validation) les plus inspirants sous des formats vidéos et/ou podcasts attrayants et accessibles.

Mettre en commun : Créer un outil et contribuer à définir un vocabulaire, un glossaire commun permettant à chacun d’enrichir la connaissance et la réflexion commune et d’y puiser les références nécessaires à sa pratique

  1. Création et gestion d’un outil internet collaboratif (wiki, cartographie & forums) pour rendre disponible les contenus collectées. Il ne s’agit pas de créer des outils supplémentaires, mais d’enrichir les outils existants par le biais de partenariats d’une part avec le projet HABIT&R, porté par Hameaux légers, Habitat Participatif France et la Coopérative Oasis, (https://wiki.resilience-territoire.ademe.fr/wiki/HABIT%26R),  et d’autre part avec le réseau « frugalité heureuse et créative » pour utiliser leur outil cartographique ( https://carto.frugalite.org/).
  2. Clarification / synthèse, création d’un glossaire commun

Sensibiliser / Eduquer / diffuser : Provoquer et favoriser l’échange entre pairs et impliquer les institutions cadres ou partenaires de l’accompagnement

  1. Définition, mise en place progressive et animation d’une méthodologie d’inter-formation entre acteurs et actrices de l’accompagnement
  2. Plaidoyer auprès de l’ordre des architectes sur la sécurisation juridique du maître d’ouvrage et des architectes accompagant·es
  3. Plaidoyer et réflexion conjointe auprès de l’AQC sur la démarche qualité et l’autocontrôle – assurer la qualité des constructions et rénovations
  4. Plaidoyer et réflexion conjointe auprès de l’ANAH sur les aides à l’auto-rénovation accompagnées
  5. Organisation chaque année des journées nationales de l’accompagnement
  6. Organiser des Rencontres internationales en 2026 : Plaidoyer politique en tirant parti des différentes politiques publiques à l’accompagnement.
  7. Produire et diffuser des documents (livrets, vidéo…) à destination des futurs auto-producteurs pour promouvoir et clarifier les démarches et parcours d’accompagnement.

Les axes du projet étant posés, il s’agira de les décomposer en actions concrètes, échelonnées dans le temps et confiées à des groupes de travail.

Ces groupes regrouperont les professionnel·les de l’accompagnement désirant s’impliquer sur chacune de ces actions / réflexions / concertation,  le rôle de la FédAc étant de s’assurer que ces groupes fonctionnent et produisent.

Les actions de collectes et d’études se concentreront sur la première, voire la deuxième année, les outils de diffusion (cartographie, wiki, glossaire) se mettront en place petit à petit sur les trois années, les réflexions prospectives avec les partenaires institutionnels sur la sécurisation des pratiques démarreront une fois l’existant analysé, au cours de la dernière année.

Bref, partir de l’existant, de la base pour progressivement avancer ensemble vers une définition commune et une harmonisation (plutôt qu’une uniformisation) des pratiques d’accompagnement… afin d’enfin peser sur les politiques publiques de soutien à l’auto-production. Vaste programme qui ne fait que commencer.

14 groupes de travail sur 3 ans, cela implique des partenariats et des soutiens solides. Celui de la Fondation du Domicile est le premier, celui par lequel l’histoire commence, devient possible. D’autres seront nécessaires.